212. "TRÁS-OS-MONTES" no "Matin de Paris"
TRAS OS MONTES, de Margarida Martins Cordeiro et Antonio Reis
Un conte de fée politique
Les hommes ont passé la frontière. Ils cherchent fortune en Argentine, sont ouvriers en France, et Armando envoie une lettre de là-bas, pendant que sa femme dicte la réponse à son petit garçon car elle ne sait pas écrire. On pense au film docummentaire Los Hurdes de Bunuel, mais Tras Os Montes se regarde plus facilement. C'est plutôt un conte de fées politique. Deux petits garçons nous renvoient à un passé de traditions, de légendes, quand on attendait la princesse Blanche-Fleur et qu'elle se montrait à l'entrée d'une grotte au sein d'un vol de colombes.
Il était une fois... Oui, il était une foie une mine, des familles de paysans qui s'aimaient, qui dansaient et la femme venait sur âne à la noce, offrait un verre de vin au promis, debout sur le seuil de la porte. A présent, la mine est morte, on n'a jamais de nouvelles de la capitale. Qui fait les lois? se demande le peuple de Tras Os Montes: les nobles, les notables? On obéit mais, ici, il n'y a plus de notables. Seulement des femmes qui veillent sur leurs enfants malades et des petits garçons sur leurs moutons.
Margarida Martins Cordeiro et Antonio Reis ont risqué le plus beau parti pris qui soit face au documentaire. Ils y mêlent le présent aride et le passé médiéval, la constatation politique et la légende contée le soir au pied du lit des enfants qui s'endorment. "D'un côté de la rivière, un jour, il y avait des brebis noires, de l'autre des brebis blanches. Chaque fois qu'une noire bêlait, une blanche traversait la rivière et devenait noire et, chaque fois qu'une blanche bêlait, une noire traversait la rivière et ressortant de l'eau, elle était blanche".
Ainsi des Portugais qui passent la frontière. Arrivés dans les quartiers de notre capitale à nous, devenus ceux qui travaillent pour les Français dans nos maisons et nos garages, ils ont changé de couleur. Tras Os Montes ne nous dit pas laquelle. Mais nous la devinons, à contempler cette terre d'oubli. Dépeuplée, apauvrie à jamais. Le fils et le père prenent le train. Et le film se clôt sur la fumée ancienne des chemins de fer à charbon qui traverse, la nuit, le silence du Portugal déserté. Un film à voir absolument: On ne résiste pas impunément à la poésie politique.
Claire Clouzot
Jornal Matin de Paris, 10 de Abril de 1978.
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