047. "ANA" no jornal "Liberation"
VENISE FESTIVAL [1982]
De midi à minuit (da mezzogiorno a mezzanotte)
Chaque année, Enzo Ungari mijote en plein air ou à des heures impossibles des programmes étonnants. Cette annés: Ray (Satyajit) et le coupe Reis-Cordeiro - par Serge Toubiana
Au sein de la Mostra de Venise, la sélection mezzogiorno-mezzanote est des plus curieuses: à midi, sont programmés des films de recherche de jeunes auteurs (...), mais le soir, cette sélection se défoule avec des fims grand public, des films qui n'ont aucun problème pour passer par dessus les frontières culturelles(...).
Au sein de cette programmation gran-écart, ultra-vivante, et anti-ghetto, concoctée par l'aimable Enzo Ungari, cinaphile patenté, on a vu deux films, différents, mais qui relèvent du cinéma le plus pur, le plus beau et le plus évident.
[Serge Toubiana refere-se ao filme "Sadgadi" de Satyajit Ray e a "Ana" de António Reis-Margarida Cordeiro; omitimos a análise crítica do filme de Ray].
Antonio Reis et Margarida Cordeiro forment un de ces couples monomaniaques et obsessionels qui nous rendent, à date régulière mais aprés des intervalles assez longs, des films d'une rare splendeur. Qui se souvient de Tras-os-montes, réalisé en 1976 et à peine vu à Paris? Leur dernier film, Ana, leur a coûté six années de travail minutieux, d'expérience avec des acteurs non-professionnels, des gestes observés et de paysages vus à toutes les heures du jour.Tourné en 16 mm et en couleur, leur film nous montre des paysages beaux (le Portugal est une mine pour cela) peints magnifiquement sur la pellicule par des artisans du cinéma comme on n'en voit presque plus. Il y a les Straub-Huillet en Italie et il y a les Reis-Cordeiro au Portugal. Ana est une vieille dame que nous voyons vivre, au côté de sa fille que l'on voit naître et grandir. Ana est malade, perd son sang par la bouche. Elle meurt. Le film s'écoule lentement sur une période où tout le monde grandit, la fillette s'approchant de la vie, l'autre de la mort. Chaque plan est un rituel, chaque geste est étudié, dessine une coréographie lente et funèbre, chaque image est une mise en baume, un tombeau pour l'oeil du spectateur.
Si les spectateurs avaient été plus patients à Venise, ils auraient pu voir jusqu'au bout un de ces joyaux rares du cinéma où se mêlent l'expérience du regard, de l'observation et du geste comme on en voit peu de nos jours. Parce que, entre nous, qu'est-ce qu'un film, sinon une expérience singulière du temps qui passe?
Jornal Libération, pág. 21, 8 de Setembro de 1982.
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