sexta-feira, janeiro 14, 2005

066. "ANA" em "Cinéma"

Ana
de Antonio Reis et
Margarida Cordeiro

Le dernier film d'Antonio Reis et Margarida Cordeiro, Ana, a d'abord le mérite d'être déconcertant. Il s'installe délibérément, on a presque envie de dire innocemment, en dehors des formes codifiées du récit filmique; ce film n'est ni une chronique, ni une étude sociologique, ni même un souvenir.
Le film fait revivre, vivre une région, un paysage. Dire que la photographie est admirable serait bien plat. Une campagne est comprise, dans ses rythmes, ses couleurs, sa vie intérieure. L'utilisation de la lumière est si parfaite qu'elle paraît simple.
Dans ce nord du Portugal (région de Miranda do Douro), on nous conte l'histoire d'une femme, d'une grand-mère, Ana, et des deux générations qui lui coexistent. Mais déjà les mots sont trompeurs; ils ne s'agit ni d'un récit linéaire, ni de l'éclatement parcellaire du souvenir, de la mémoire. Le film s'installe donc à un double carrefour: celui de l'histoire et de la remémoration (les auteurs disent «les émotions de l'enfance qui naissent à nouveau, sous d'autres formes, d'autres visages qui sont devenus autres»), celui de générations différentes qui sont ici des mondes divers, une grand-mère «archaïsante» et son fils universitaire. Dans une scène, pendant que le fils improvise une conférence sur la navigation comparée de son pays et de la Mésopotamie, on voit Ana dans le village faire ses emplettes. Le «lieu» du film serait-il cette Mésopotamie, cet «entre deux fleuves» dont le fils rêve les liens avec son pays?
Le film se ressent de cette riche indétermination. On a l'impression (confirmée par une interview des auteurs) qu'autour de scènes fortes, très chargées émotivement (scènes-souvenirs, scènes-rêves), s'organise le reste; ces liens entre les scènes ne sont certes pas d'explication, la motivation en est aussi perceptible que d'abord indéfinissable. Cela permet au film d'être aussi descriptif, aussi sociologique, aussi ce que l'on veut, mais de ne se réduire à aucune de ces catégories. Des dimensions sont ouvertes qui sont exploitées sans devenir exclusives.
L'indéniable charme d'Ana, et son importance, tiennent donc à cette façon d'être autre, d'organiser de façon originale, neuve, le récit. A sa beauté aussi: l'esthétique n'est pas gratuite, elle est élément moteur du fil, nécessaire. Le film raconte donc ce qui se déperd, réunit donc ce qui éclate (la famille, le mode de vie...). La mort de la grand-mère est admirable, serait-ce la mort d'un monde? Le film (comme objet) répond peut-être non, et la petite fille s'appelle aussi Ana.
Malgré tout, je ressens devant ce film une sorte de réticence que je ne peux expliquer; serait-ce l'habitude du cartésianisme? Pourtant Ana est un film amoureux ou d'amoureux; rarement une caméra avait fait vivre si intensément un paysage. Un des films les plus intéressants (par cet aspect toujours double - les auteurs ne sont-ils d'ailleurs pas deux? -, incernable), peut-être l'un des plus novateurs vus depuis longtemps.

Anne Tarqui

Cinéma, Julho de 1983

Pedido de desculpas: Pela demora na actualização do blogue, mas a nossa vida do dia-a-dia não o tem permitido. Agradecimento: A todos os que pacientemente, apesar de tudo, têm visitado o blogue "António Reis". Muito obrigado e votos de um bom ano de 2005!