sexta-feira, novembro 26, 2004

058. "ANA", notícia nos Cahiers du Cinema

Ana sort à Paris

Les Cahiers avaient montré Ana de Margarida Cordeiro et Antonio Réis lors de leur dernière «Semaine», pendant le Festival d’Automne, Antonio Réis et Margarida Cordeiro, nous les connaissions déjà pour leur très beau Tras-os-Montes.
Qui est, qu’est-ce qu’Ana ? Un poème ne se raconte pas et Ana est un poème. Ana est le chant d’une terre et de ses habitants, la mélodie d’une région devenue femme. Cette femme est sans âge, de toutes les époques – où elle en a de multiples. Ana est le nom d’une vieille femme qui détient, dans son silence, la sagesse et l’histoire de sa contrée. Ana est encore le nom de la petite fille que la vieille femme appelle pour la serrer très fort contre elle et lui transmettre son savoir, son destin, avant de partir. Ana est la pulsation lente, régulière, cyclique de cette terre, le cycle éternel d’une nature mythologique au cœur de laquelle habite l’homme, un paysage de naissance du monde. Il y a le vert de la vallée d’un torrent où les bergers mènent paître leur troupeau, le jaune aride des plateaux et les cimes noires des montagnes, la tache rouge, grandissante de fraises et des piments, comme une plaie béante dans la terre semblable à l’hémorragie qui emporte avec elle la vie d’Ana – les couleurs et la matière d’une terre devenue film, soucoupe de mercure offerte au déchiffrement avide d’un petit garçon et de sa sœur, comme s’ils en étaient le roi et la reine, les nouveaux seigneurs.
Ana, c’est une musique secrète des noms, la symétrie magique d’un signe, une équivalence symbolique posée entre les êtres vivants et la terre, entre les humains et le paysage ; un voyage dans le langage qui est aussi un voyage à travers les contrées les plus reculées, Ana, Miranda, la Mésopotamie, la remontée du Tigre et de l’Euphrate. C’est une météore dans la nuit des écrans de cinéma : un film d’inspiration mystique qui, de même que Vertov avait su composer une symphonie musicale avec les bruits industriels, Enthousiasme (dixit Chaplin), a su faire des couleurs, des volumes, des saisons et des lumières du Tras-os-Montes un chant de la terre, un chant d’amour. Ana sort le 8 juin à République Cinémas. A voir absolument. Nous reviendrons plus longuement le mois prochain sur Ana avec un entretien avec Margarida Cordeiro et Antonio Réis.

Y.L. [Yann Lardeau]

Revista Cahiers du Cinema, n.º 348-349, pág. 113, Jun/Jul 1983